Les humeurs changeantes d'Antigone

   J'ai pas envie de dormir. Juste envie de boire du thé toute la nuit, avec ma couverture et mes mouchoirs (nan, je pleure pas, j'suis juste un peu malade), et d'écrire pour célébrer l'inspiration revenue (romanesque, et non plus jouebesque (une journée de panne, ça désintoxique). Et puis, faut que je me remette de mes émotions… Je viens de voir un fantôme, du moins, je crois que c'en était un. Je suis montée à la cuisine me faire mon thé, et tandis que je versais l'eau dans la tasse, j'ai entendu comme un froissement dans l'escalier, j'ai regardé ce que c'était en pensant que c'était ma sœur, et ce que j'ai vu, c'est un truc blanc, vaporeux. J'ai vaguement pensé que c'était elle en chemise de nuit, mais après petite réflexion, je me suis souvenue qu'elle n'avait pas de chemise de nuit blanche et vaporeuse, et même pas de chemise de nuit du tout, et que cette nuit elle dormait chez son copain. J'en menais pas large en redescendant l'escalier. La femme du gars à qui mes parents ont acheté la maison est morte d'un cancer. Je pense croire aux fantômes, mais depuis le temps que j'en côtoies, je ne pense pas qu'ils veuillent faire du mal. L'école aussi, autrefois, était un hôpital ; je n'y ai jamais rien vu, mais je n'oserais pas dormir dans le grenier… Les portes claquent souvent, ou s'ouvrent d'elles-mêmes… J'essayais pas de faire peur, parce que là, j'effraierai même pas un gosse de 4 ans.

   J'ai rien fait de la journée d'autre que, fatalement, mon sujet de prédilection, des maths : continuité et limites… ce fut un plaisir. Après je me suis fait engueuler par ma mère : "Mais cesse de travailler, enfin !". C'est marrant cela, plus elle me dit d'arrêter de bosser, et plus j'ai envie de le faire ; inversement, quand elle me dit que je ne travaille pas assez, j'ai envie d'en foutre encore moins.

   "Manque encore l'explication finale avec le jeune homme." Citation d'avant hier, je crois. Alors donc, il y eu vagues explications avec l'individu en question, qui ne menèrent pas très loin. Encore une fois, ce fut répétitions de choses toujours dites et toujours sues. L'adieu est levé, mais progressivement s'imposera de lui-même, sans être prononcé, et ce n'est pas important. Phrase la plus marquante de l'entretient, je pense, à part celle dans laquelle j'apprends ce que mes mensonges aux autres lui ont fait croire, la suivante : "Je veux seulement dire qu'il faut que tu arrêtes de penser des choses qui ne le sont pas, de te torturer l'esprit à ce point, d'éviter de me sortir le drame de "adieu" qui m'énerve et me culpabilise encore plus moi qui veux être correct." Et voilà, le problème, c'est qu'il y a une chose dans cette phrase sur laquelle j'ai oublié de revenir quand je lui parlais : "me culpabilise encore plus, moi qui veux être correct". Pourquoi culpabilise encore plus ? (comme l'impression que c'est moi, et en aucun cas lui, qui doit culpabiliser) Et c'est décidé, jusqu'à ma mort, l'expression que je haïrais le plus, ce sera "être correct". [euh… je pourrais peut-être arrêter de tout analyser, ou alors le faire sans le dire ici, puisqu'il va lire, et encore se demander ce qu'il a fait au ciel pour qu'une horreur comme moi croise sa route.] Pour moi c'est synonyme de prise de tête. Quand on veut être correct, c'est tout réfléchi, y'a plus rien de naturel ; ce que je veux dire, c'est que c'est tout forcé à ce moment-là. Quand je parle avec lui, j'ai l'impression d'être la personne la plus odieuse au monde.
   A part ça, c'est comme si j'avais été prise en flagrant délit de m'arranger moi-même pour avoir une vie au moins un peu compliquée. Créer des semblants de "situations de crise" parce qu'il "faut de l'action, sinon je m'ennuie". Je me sens dans mon élément dans les situations bizarres dramatisées. Je suis venue au monde dans un environnement instable et conflictuel… Ça doit me rappeler des souvenirs de ma période prénatale…