Les humeurs changeantes d'Antigone

   'Va faire des efforts, hein ? Juste un peu, pour essayer. Y'a des effets secondaires si on prend trop de Panadol ? Peut-être un peu de positivisme, non ? J'en sais trop rien, mais je suis sûrement un peu ailleurs, et mon débit de conneries est à son maximum. Tant pis, j'ai beau être malade, je suis de bonne humeur.

   Comme d'habitude, je parle sur msn avec mon camarade de classe, l'Indiscret, qui me fait part de son désir de partir finir l'année dans un pensionnat en France. Mais, je deviens quoi, moi, sans lui ? S'il est plus là, je n'y survivrais pas… Faudra que je bosse vraiment toute seule pendant le congé maternité de la prof d'éco, que je me débatte toute seule pour faire le programme ES en philo, que je supporte toute seule, sans pouvoir me plaindre à personne, ce bordel monumental ! Et avant le bac, je paniquerais toute seule… Puis qui me fera rire en me racontant des conneries, et me remontera le moral sans savoir que ça ne va pas ? De qui m'amuserais-je à suivre les palpitantes histoires d'amour ? J'ai pas le temps de regarder Les Feux de l'amour, et je préfère observer en direct. J'lui avais dit que j'écrirais un livre sur lui, et comment ferais-je s'il s'en va ? Puis bon bah, je l'aime bien, ce type, quand même.

   Que raconter d'intéressant ? J'ai eu tout plein de commentaires et de blablas gentils aujourd'hui, et ça m'a remonté le moral… (Pourquoi je dépends tellement de ce que les gens me disent, moi qui me veux complètement détachée ? Je vais finir par croire que je suis humaine…). Et puis j'ai aussi eu connaissance de ce que peuvent engendrer mes mensonges divers et variés. Bah c'est pas joli. Ça donnerait envie de cesser d'employer ce procédé pour me justifier d'être ce que je suis. Et si simplement j'étais qui je suis parce que c'est comme ça, que je ne l'ai pas vraiment choisi, mais que je l'accepte… A plus longue échéance, je pourrais me mettre à aimer cette personne que je suis… Je crois que ça serait un sacré changement dans ma vie. Je pourrais essayer… Ah ! Si je n'avais pas à ce point envie de ressembler à la définition de quelqu'un de "normal"…

   Mais bon, essayer de m'aimer un peu plus sera ma résolution de la rentrée (pour moi c'est déjà lundi, mais ça fera deux semaines), avec mes ongles à ne plus ronger, mes devoirs à faire sérieusement (surtout les maths, il faut que je renouvelle ma réserve de métaphores mathématiques), mes notes de cours à prendre assidûment (surtout la philo : je suis incapable de remettre mes diverses feuilles dans un semblant d'ordre ; faut que je me remette pour de bon au datage numérotage titrage, et que j'oublie l'idée de dessiner pendant que le prof parle). Ce que je note pour l'instant en cours, c'est les conneries qu'il fait ou dit, et les commentaires à la con des autres : "Ce que vous venez de dire est relativement très impressionnant, cher monsieur" avec le ton snobinard, s'il vous plaît. Moi ma question ce sera : comment un truc peut-être relativement très quelque chose ? Soit c'est très, soit c'est relativement, mais pas les deux. On peut pas être beau et moche en même temps, ni grand et petit, à moins de quantifier deux notions opposées.