Les humeurs changeantes d'Antigone

Hier, la psy m'a demandé où j'allais en classe. Quand elle a su que j'allais dans une école privée, elle m'a redemandé trois fois pourquoi, comme si j'avais eu menti la première fois en disant que c'était pour faire le bac français. Je sais bien que dans ce pays les écoles privées c'est pour les enfants à problèmes, mais faudrait quand même voir à ne pas tomber dans des clichés débiles, sinon je vais sérieusement commencer à me demander pourquoi il y a en 1ère un tel amas de gosses de riches, si ce n'est parce qu'ils ont de sérieux problèmes. Ou bien c'est parce que les parents des gosses de riches sont fiers de pouvoir déclarer qu'ils dépensent 1500 francs suisses(1000 €) par mois pour l'éducation de leur enfant… Bon, bref, c'est juste que je n'aime pas trop cette façon de voir les choses, comme si l'école privée était conséquence de problèmes que j'aurais eu, alors qu'en fait ce sont les problèmes actuels qui viennent en partie de l'école privée, pas en totalité, mais en partie.

A la fin de l'entretien, elle a dit que je souffrais sûrement de phobie sociale et m'a donné un petit prospectus sur cette "maladie trop peu connue, qui est pourtant l'une des pathologies psychiatriques les plus courantes, qui concerne environ 1 personne sur 15. Mais ce qui est rassurant, c'est que ce trouble se soigne et qu'il n'est jamais trop tard pour le faire. Cause de la maladie : facteur biologique : déséquilibre au niveau de la sérotonine, molécule qui transporte les signaux entre les cellules nerveuses, aussi caractère héréditaire et peut apparaître suite à un événement social embarassant. Traitement : psychothérapie congnitivo-comportementale et médicaments : inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO), benzodiazépines, bêta-bloquants et inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRI)".
Dans mon cas ça se limitera à la psychothérapie, et éventuellement des anti-dépresseurs à faible dose.
Je ne me sens malade que quand je regarde ce prospectus, sinon, j'aurais tendance à penser que je ne suis pas socio-phobe. Je ne me reconnais pas dans ce qu'ils disent. Je ne tremble pas de peur lorsque je suis entourée de plus de trois personnes en société. Bien sûr j'ai toujours peur avant de rencontrer des nouvelles personnes, mais je n'ai ni rougissements, transpiration excessive, tremblements, tension musculaire, voix tremblante, bouche sèche, ni palpitations cardiaques. Je n'ai jamais pris la fuite avant de rencontrer qui que ce soit. Je n'ai jamais séché les cours pour ne pas faire un exposé…
Si j'étudie mes comportements sociaux aux cours de l'année écoulée je me vois timide, mais jamais paralysée par une situation sociale.
Octobre 2002 : changement d'école, j'avais un peu mal au ventre, mais c'était tout, je n'ai pas pensé à faire demi tour et à rentrer chez moi, j'y suis allée parce que je l'avais décidé.
Février 2003 : interrogatoire chez les flics pour savoir si je connaissais la couleur du drapeau Suisse, très peur avant d'y aller, et en cherchant la sonnette, mais très vite à l'aise et capable de plaisanter avec eux.
Et je ne sais pas, après y'a eu des trucs, d'autres interrogatoires, des soupers de classe, un rendez-vous arrangé par une copine avec un suisse allemand (seul problème il avait du mal à comprendre mon français, et je me suis montrée très chiante avec lui, pourtant il était très très beau…), un bac (et même que quand je suis sortie faire un tour au milieu du français je n'étais pas du tout gênée de mon bruit, ou des regards que l'on m'a lancé ; je me trouvais regardable ce jour-là). Et puis au cours de cette année j'ai su pour la première fois depuis 7 ans m'intégrer dans une classe…
En été je suis partie en Allemagne, et si c'est être socio-phobe que d'avoir un don pour se faire haïr, et ben je me suis montrée socio-phobe, mais paradoxalement c'était de la phobie sociale sélective, puisque j'ai su me montrer très et même trop ouverte avec une certaine personne.
Je dirais que je suis très timide et lente à m'adapter à un environnement nouveau, mais pas gravement atteinte de phobie-sociale. Il y a des gens qui me plaisent, des gens avec lesquels je me sens à l'aise et d'autres que je peux pas encadrer et avec lesquels je n'ai simplement aucune envie d'être.
Mais sinon il est vrai que je suis absolument incapable de demander à une copine si elle sort ce soir, mais je ne suis pas sûre que ce soit vraiment pour des raisons de phobie sociale, pour moi c'est plutôt que je ne veux pas m'imposer, ni montrer que je suis dépendante des autres pour sortir. Et je serais incapable d'avoir au téléphone la même aisance que le mec qui a passé aujourd'hui tous les coups de téléphone nécessaires pour le TPE (services sociaux, divers partis politiques, télévision suisse romande…). J'ai encore des grands pas à faire dans l'aisance en société, mais je ne crois pas être gravement atteinte.
Une chose sûre, c'est que je me sens de mieux en mieux en société, et que l'an dernier j'avais une classe super, et que l'aisance croissante que j'y avais m'a fait du bien et m'a quand même rendue beaucoup plus sûre de moi.
Dans le fond, c'est rassurant. Si ce n'est que je me demande s'il ne se cache pas autre chose derrière ce diagnostic.

Peut être qu'après le souper j'écrirai un post pour vous raconter ma vie trépidante ;) …