Les humeurs changeantes d'Antigone

   Suite à une discussion que nous avons eue aujourd'hui en cours d'économie, la prof, l'Indiscret (avec qui j'ai de meilleurs contacts en ce moment) et moi, au sujet du futur, à savoir orientation universitaire, j'ai repris le sujet avec mes parents. Ce qu'on a dit en classe m'avait rappelé qu'il serait peut-être judicieux que je commence à me poser quelques petites questions. Indécise comme je suis, il faut que je m'y prenne à l'avance...
   Ce sujet réveille en moi toutes les craintes possibles et imaginables que la perspective de l'avenir a toujours fait naître en moi. Je me souviens qu'autrefois quand on parlait de futur avec ma sœur, quand on disait "Quand j'aurais 18 ans...", nous n'y croyions même pas. C'était trop loin, cela n'arriverait jamais, jamais nous n'allions être en terminale, jamais nous n'allions passer notre bac, jamais il ne faudrait commencer à prendre de vraies décisions... Mais voilà, dans moins d'un mois je suis majeure. Et j'ai peur ! (ça rime). Je veux pas grandir, enfin si, mais... "Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite — ou mourir." Faudra que j'aille dans le vrai monde, le vrai, là-bas, celui qui est dur, cruel, insensible... celui auquel je ne ressemble pas, celui auquel je n'ai pas l'impression d'appartenir, celui auquel je ne veux pas appartenir, mais faut pas le dire...
   C'est tellement impossible de parler d'avenir avec mes parents : entre ma mère qui n'a pas fait d'études et mon père avec son boulot chiant, malgré qu'il soit bien payé, dont il est pourtant si fier.
   Je n'ai aucune envie d'entrer dans ce système, d'en devenir partie intégrante, une des pierres de la cathédrale (S^t Exupéry ?)… Alors que jusque là je gravitais lentement autour, sans m'impliquer. Et en même temps, j'aurais tellement envie de faire partie de se monde, d'être reconnue par ceux qui sont "importants", en me distinguant d'eux. J'aimerais en être sans en faire partie. Pouvoir affirmer je suis "différente" sans que cela ne m'exclusse (conjugaison aléatoire, c'est quel temps ce verbe ?)  pour autant. Me démarquer.
   Devant moi, je ne sais pas ce qu'il y a. Rien pour me montrer la voie. Moi seule avec moi-même pour la trouver. Et cela n'impliquera que moi et moi seule. Si je n'en suis pas contente je n'aurais qu'à m'en prendre à moi-même. J'ai tellement peur de me tromper, de m'engager dans une impasse tellement étroite qu'il me sera impossible de faire demi-tour. Quelle est ma voie ? Que dois-je faire pour commencer enfin à être dans le monde sans renier ce que je suis à la base. Il est possible que je ne sois pas du tout faite pour une petite vie classique, bien rangée, et pourtant, quoi que je puisse dire, par mon manque de volonté, par ma crainte de m'affirmer, par mon fatalisme... (et que sais-je encore, je suis un véritable mollusque), c'est cette direction que je prends. Bientôt il me faudra renoncer à mes rêves de voyages, de tour de monde, d'aventures... devenir une adulte responsable, raisonnable, peut-être même mère de famille (pfff...)...
   Quand, et par où devrais-je bifurquer pour ne pas sombrer dans la banalité, pour ne pas m'effacer comme le commun des mortels ?