Les humeurs changeantes d'Antigone

   J'ai reçu la réponse ce matin : j'ai été acceptée. J'ai pas fait grand chose pour cela, j'ai vécu ici pendant 9 ans, et j'ai su que le drapeau était une croix blanche sur fond rouge, et qu'il est carré. C'est bizarre, ici c'est devenu mon pays. Je suis chez moi, alors que ni mes parents ni mon frère et ma sœur ne le sont. Je pourrais voter, mais ça ne changera rien d'autre. J'aurais toujours le cul entre deux chaises. Je sais très bien que je ne suis pas d'ici, mais je ne suis pas plus de là-bas.
   Je ne crois pas que je me sente Suisse, mais je ne me sens pas non plus française. Je ne suis pas ancrée ici, il n'y a rien d'autre qui m'y retienne qu'un joli paysage par la fenêtre de la salle à manger. Par exemple, au grand jeu favori des Suisses (à savoir "tu connais celui-ci, ou celle-là tu vois c'est qui ?) je ne peux pas prendre part ; je ne connais personne et personne ne me connaît. Mais voilà, je suis Suisse, enfin, franco-suisse, c'est-à-dire un tout fait de moitié de choses, pas grand chose en vrai. Etre de double-nationalité me ressemble assez finalement. Ce sera comme une raison de plus de ne pas savoir qui je suis... Un ensemble de morceaux disparates qui forment quelque chose d'un peu bancal...