Les humeurs changeantes d'Antigone

   J'avais rendez-vous chez ma psy vendredi après-midi. On n'a pas parlé de ma phobie sociale, mais de l'époque de mon arrivée en Suisse. Le mois que j'ai passé en pension, avec ma sœur, et puis après, quand mes parents sont arrivés en Suisse, et que je ne savais plus comment je devais me comporter avec eux, que prononcer les mots "maman" et "papa" me demandait un effort difficile à fournir. Elle, la psy, dit que je voulais les "punir" de l'impression d'abandon que j'avais ressenti. Je ne crois pas avoir voulu les punir, ce n'est pas du tout dans mon caractère, et cette "punition" ne faisait de mal qu'à moi. Je crois plutôt que je ne voulais pas que mon comportement laisse croire qu'ils m'avaient manqué. On n'a jamais été très démonstratif dans la famille. Et puis je voulais sûrement paraître forte, comme si rien ne m'affectait, et puis aussi comme si je n'étais pas attachée à eux.
   Si on retire l'aspect punition que je n'admets pas, elle avait sans doute raison quand elle en a déduit que j'ai peur d'être abandonnée, et qu'à cause de cette crainte je suis dans l'incapacité de m'attacher à qui que ce soit. 
   N'ai pas de cœur.
   Pas de sentiments.
   Suis(comme) un robot.
   C'est tellement vrai, cette crainte de l'abandon, ça me ferait presque peur, parce que ça ne doit pas être facile de s'en défaire, et l'attachement c'est un long apprentissage qui commence dès la petite enfance. Alors, je resterais peut être handicapée-sentimentale jusqu'à la fin de mes jours. C'est compliqué, il va falloir que j'apprenne à apprécier, puis même à aimer (j'aimerais bien être capable d'Aimer quand même, un jour…) tout en sachant ne pas trop m'impliquer, et relativiser. En conséquence directe, mon incapacité à accepter l'amour qu'on peut me porter, sûrement parce que je risquerais de me sentir abandonnée le jour où l'on ne m'aimera plus. Petit De13 Ans (14 ans, maintenant) en a fait les frais, et il m'a demandé, l'autre jour, si je lui saurais lui faire encore plus mal s'il retombait amoureux de moi… Monstrueuse en fait.

   Et puis demain quand même, c'est un grand jour, parce que la prof d'économie revient de son congé maternité… Sera-t-elle motivée à travailler ? Je vise mention bien au bac maintenant (ce serait le mieux, mais sinon 14 en maths et en anglais ça passerait bien), folle que je suis je vais envoyer un dossier à l'EPFL, même si je n'attends rien en retour. Qui ne tente rien n'a rien. Sinon ça sera l'école d'Ingénieurs.