Les humeurs changeantes d'Antigone

J'ai cette capacité stupide à tout ranger dans des boîtes, l'habitude débile de le faire, et de n'en plus jamais rien sortir, d'oublier ce que les boîtes contiennent. Alors quand je fais le ménage, je retrouve des choses dans des boîtes, réelles ou virtuelles. Dans mon cerveau, même, j'emballe des trucs, dans des cercueils, souvent, et j'enterre bien profondément des choses qui, fantômes fugaces, resurgissent parfois, au détour de réminiscences subites, et dont les chaînes cliquètent sur le carrelage gelé qui dalle mon âme. Tout au fond d'un tiroir, le classeur dans lequel, mois par mois, jusqu'en décembre dernier, je rangeais les articles de ce journal, alors j'ai un peu survolé le contenu, et j'ai repris connaissance de choses perdues. La façon dont il, et surtout lui, était infect avec moi au début de l'année scolaire, allant jusqu'à me faire pleurer à l'école. Plus tard, il m'a expliqué pourquoi, raisons débiles, suites de l'épisode du 26 août. Mr était dégoûté du sexe, chose qui le ramenait à moi, et ainsi de suite. Il se rend compte du mal qu'il peut faire, mais trouve toujours ça légitime… J'avais oublié la pièce de Schwab, qui ne m'avait pas plus, mes peurs irrationnelles en ville pendant les vacances d'octobre, et mes jeux, mes semblants, mes faux sourires dont tout le monde était dupe… Et même un peu moi, et puis l'exposition de dessins de John Howe, à Gruyère… Et j'ai retrouvé deux conversations msn que j'avais gardées, qui datent de fin septembre. L'une avec le "il" du paragraphe d'au-dessus, qui commence par un "Kikoooooo petit elfe" de citation bien méchant et se poursuit bien amicalement (L'époque où le fait d'être tous deux amoureux de quelqu'un, sans le moindre espoir de réussite nous avait bien rapprochés, et j'avais même oublié le mal qu'il m'avait fait…). L'autre où je tentais d'énerver suffisamment celui que j'aimais pour l'amener à m'insulter (je suis profondément masochiste, on dira), ce qu'il ne fit jamais, "correct" jusqu'au bout. Le tout dans un langage sms vaiment très chiant. Puis on tombe vite dans le précipice octobre-novembre-décembre. Je l'ai aussi rayé de mes souvenirs. Je me sentais mal, je m'en souviens, mais que s'est-il passé ? Parfois, plutôt que de mettre les choses dans des boîtes, je les ignore simplement. Petit De14 Ans ne me parle plus, l'"il" de tout à l'heure va pas bien, se venge sur moi, je me replie énormément sur moi même en ce moment, dès que j'ouvre la bouche tout le monde me tombe dessus, mais je n'y pense pas, j'oublie un peu que j'existe, et j'attends que le temps passe. Une conversation avec un élève de 1ère a fait renaître mon angoisse de la fin du monde, j'évite d'y penser. J'ai pas trop le temps. Je dois réviser.