Les humeurs changeantes d'Antigone

   J'avais peur de la nuit qui tombe... Je la redoutais. Ce qu'elle représentait, c'était l'été mourant dont je ne savais faire le deuil. J'ai fini par en trouver le courage. Pour la dernière fois je suis sortie de la maison pieds nus, pour la dernière fois je me suis promenée dans l'obscurité sous la lune, laissant sa lueur carresser ma peau, les cheveux dans le vent, j'ai été une fois encore un peu sauvage, libre... comme je ne le serais plus. C'était mon "dernier" été. La dernière fois que l'on pouvait admettre de moi un tel comportement, si infantile, si futile. Je ne serais plus une enfant l'an prochain. Comme tout le monde j'y passerais : 18 ans, oh ! comme on doit l'attendre, cette date ! Comme ce qu'on ne peut pas qualifier, je pleurerai de n'être pas normale comme il faudrait, je pleurerai du regard de mes parents sur moi, ayant presque honte de leur fille stupide et renfermée... On ne devrait pas redouter d'avoir 18 ans. On devrait vouloir se sentir "grande", indépendante... Oh comme je devrais ! 
   Mais moi... je veux pas.
   Et j'assume pas.
   J'ai peur...
   L'est trop grand, le monde !
   J'vais m'perdre ! 
   Qui me donnera la main pour traverser la rue ?  
Comme je fais moins la maligne, soudain... Autrefois je trouvais le monde trop petit pour mes rêves...
Suffit, arrêtons-en-là...

   Maintenant que j'ai enterré l'été (pas d'apitoiement, merci, je suis presque sûre qu'il reviendra), j'attends l'automne avec une de ces impatiences... L'idée de partir demain matin attendre le bus sous la pluie, dans la bise glaciale occasionne chez moi la plus grande joie ! Je suis pressée d'y être ! Et puis, peut-être que j'aurais des cadeaux pour mon anniversaire... (l'appat du gain peut faire changer bien des points de vue...). J'y suis pas encore, on verra bien...