Les humeurs changeantes d'Antigone

   J'ai jamais eu de chance en amour, ni aux jeux non-plus. Je suis la spécialiste de l'amour sans réciprocité, mais je n'en veux à personne : je ne dois m'en prendre qu'à moi-même d'être non-aimable. On m'a dit que si je ne tombais amoureuse que de garçons qui ne m'aiment pas c'est parce que j'ai peur d'aimer. Peut-être. Mais alors c'est inconscient. C'est vrai que c'est moins risqué d'aimer quelqu'un qui ne ressent pas la même chose. Ca ne demande rien.
   En retour, je n'aime pas l'amour. On me dira, tu ne peux pas ne pas aimer l'amour alors que tu ne le connais pas. C'est vrai. Pourtant... Je n'aime pas l'idée de l'amour que les gens répandent : les petits cœurs, la mièvrerie, le rose, les roses, et les litres de larmes que j'ai vu couler. Pour l'histoire, j'ai eu l'occasion de loger dans la même famille qu'une fille de 18 ans, en Allemagne, qui pleurait tous les jours tellement son copain, qui était en Tchéquie, lui manquait. Elle devait rester 1 mois, au bout de 2 semaines elle était loin... Mais non, c'est pas beau !!! C'est simplement PATHéTIQUE ! Cette dépendance est déplorable ! (qu'on ne me dise pas que je suis jalouse) Si le cœur m'en disait, je parlerais de l'exemple parental qu'une seule citation permet de décrire :
- Tu m'aimes ? demande le mari à sa femme. 
- Je ne sais pas, répond-elle. 
   Alors moi, j'aime des gens qui ne m'aiment pas. C'est moins risqué, et ça évite les épanchements grotesques. Comme ça, je ne souffre pas, je n'ai pas d'incertitudes, je ne fais pas confiance à qui me tromperait... et je peux me dire : "Si seulement".
   Je ne crois pas que je choisis qui je décide d'aimer. C'est mon cœur qui sait, il le sent, il me guide toujours là où il ne faudrait pas. Le seul amour qui m'ait fait pleurer était réciproque. Mais quand j'aime, j'aime, j'en suis sûre !
   Le problème d'Antigone ? Elle est trop romantique, et elle craint de détruire ses idéaux, et surtout son idéal de l'amour... Oh ! la petite chose fleur-bleue qui s'en défend ! Toutes mes félicitations à celui qui m'a dit : "... qui refuse d'être amoureuse et se rejette elle-même..." Pour quelqu'un à qui j'ai dû adresser la parole le 12 juillet pour la première fois, il a vite compris. Ca m'épate et me déçoit en même temps : je me croyais plus compliquée... et je croyais réussir à mieux me cacher.
   En conclusion, je ne me rends pas aimable. Qui aurait envie d'aimer une fille qui s'autodérisionne (néologisme) en permanence ? Peut-être que si je me collais dessus un panneau disant "Je suis géniale" j'aurais plus de succès ?
   Mais pourquoi je ne veux pas que l'on m'aime ? (parti comme c'est, je suis bonne pour aller au lit complètement aliénée ce soir... ) Peur de la dépendance, peur de souffrir, attachement à la liberté... Et puis, bah... peut-être que je suis attachée à mon innocence... à mes rêves... à mes idéaux... 
   Ma valeur essentielle, c'est l'honneur : il ne faut jamais s'abaisser, il faut être plus fort que tout, plus fort que l'amour. Dans le fait de dire "j'aime", il y a une défaite : les sentiments ont vaincu la raison, c'est comme de dire à celui que l'on aime qu'il a gagné, que c'est lui le plus fort... On se soumet. C'est idiot, c'est voir la vie comme une lutte, c'est comme de croire que seuls les plus forts ont raison... alors que finalement, on finira tous par mourir un jour, que l'on ait aimé ou pas. Mieux vaut avoir aimé ; c'est Perdican, qui dit ça, dans On ne badine pas avec l'amour, "J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelque fois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui."
   Je vais tâcher de me révolutionner. Je ne devrais pas avoir trop de mal, puisque c'est toujours un plaisir de dire "J'aime". On se sent fort aussi, quand on dit j'aime, moi en tout cas. Faut du courage pour pouvoir avouer ses sentiments, pour être capable de les assumer...
   Les deux points de vue sont valables. Mais le deuxième est meilleur.