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Les humeurs changeantes d'Antigone


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Neige
C'est cette Suisse là que j'aime, quand elle est comme ce matin. La neige qui tombe à gros flocons, les trottoirs pas encore déneigés, le chasse-neige passé une heure avant, mais en regardant la route on ne le sait plus. Le type en scooter obligé de faire demi-tour car les quelques centimètres dans la monté la rendaient impraticable. Le gosse hopeful (je ne trouve plus le mot en français) avec son skate sous le bras qui croit qu'à midi il n'y aura plus rien, où alors qui veut simplement faire style. L'idiote que je suis qui va vers son arrêt de bus en glissant, ce qui la fait rire. Et puis le bus en retard, et dedans les gens qui ne songeraient pas à se plaindre, je me sentais décalée quand j'ai regardé ma montre… Mon côté français sûrement, toujours à se plaindre, ou à vouloir le faire, mais aimant ce pays et ses gens si tranquilles. Sur la route, en allant vers l'arrêt de bus, le seul bruit qu'on entendait c'était les raclements des pelles à neige des gens qui auraient bien voulu que le chasse-neige fasse son tas ailleurs que devant leur voiture. La neige rendait tout tellement neuf, pur, tout était calme, silencieux, je n'avais qu'une envie : m'y jeter, comme quand j'ai passé mon premier hiver dans ce pays. On habitait bien dans la campagne, à plus haute altitude que maintenant, et il y avait un champ en pente au bout du lotissement, assez raide. On y faisait de la luge en rentrant de l'école l'après-midi, puis des igloos dans le jardin. C'était extraordinaire pour des ex-parisiens.
J'ai passé l'après-midi avec les chaussettes trempées à cause de la neige. Je n'ai pas pu résister à midi quand j'étais dans la "salle-pour-travailler-le-midi", j'ai ouvert la fenêtre et j'ai sauté dans la neige, en chaussons. L'était tout neuf le champ de derrière le bâtiment, personne n'y avait encore marché. J'en avais jusqu'aux mollets, j'ai fait des glissades, j'ai bazardé des boules de neige au milieu des oies et des pigeons-poules, qui sont partis en caquetant et en battant des ailes. Le cul trempé, les chaussons plein de neige, je suis retournée dans la classe me coller contre le radiateur ; j'aime le contraste du chaud et du froid. Je souriais. Même le prof de maths l'a remarqué. Ça me fait peur que ça puisse être tellement rare qu'on en parle comme d'un événement mythique. Mais me forcer… bof, pas pour moi, pas le courage.

Je voudrais qu'y'ait un Quelqu'un dans ma vie. Et juste là, juste là en ce moment, je voudrais quelqu'un pour me prendre dans ses bras, juste un peu de chaleur humaine. Mon sentiment d'avoir un cœur en glace me fait trembler, m'épuise. J'en ai marre de faire la fière quand j'ai juste envie de pleurer.

Bien entendu, avec un temps pareil, je me dis que c'est peut-être la dernière fois que je vois ça, le dernier hiver véritable. Le monde de demain me fait peur, je ne suis pas certaine que j'aurais envie d'y vivre, que j'aurais envie d'y faire naître des enfants… Je pense trop. Je devrais pas m'attrister avec ce genre de pensées… Me dire plutôt que je vais skier ce week-end, que ça va être bien, tout plein de neige… Me sens con quand j'évite ces pensées parce que je me sens faiblarde, incapable d'affronter mon monde.

23h15 passées, m'en fout, vais aller faire un tour dans le jardin, ça me fera sûrement du bien, me remontera le moral.
Ecrit par Antigone, à 23:18 dans la rubrique "Du rien sur un tas de vide".



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