Les humeurs changeantes d'Antigone

   Elle a fait une petite bêtise, hier, l'Antigone, mais elle ne recommencera pas. Elle n'a pas besoin de ça, et ce n'était rien du tout, juste 8 petites marques de rien du tout : 4 sur un bras et autant sur une jambe, ça saignait même pas vraiment. Quand j'ai vu cet objet dédié à l'esthétisme je n'ai pas pu m'empêcher d'en faire une arme de "destruction". Je ne sais même plus vraiment pourquoi, mais c'était sur le coup un vrai soulagement. Y'avait plus la moindre larme. Je me sentais appaisée, et même peut-être un peu plus forte. 
   Le lendemain matin par contre j'avais honte de moi, d'autant plus que la douleur de mon âme était bien revenue. Pauvre petite âme. Ce soir ça va un peu mieux. Je suis moins fatiguée, plus à même de résister aux mauvaises idées. 
   J'ai quand même pensé à ça régulièrement dans la journée, et quand le petit s'est jeté sur moi pour me dire je t'aime, je n'ai pas non plus su résister et j'ai relevé la manche de mon pull et je lui ai dit :
   - Vraiment, tu aimes cela, une fille qui se coupe exprès ? 
Possible que je n'avais pas la tête qu'il fallait pour faire une telle déclaration, il a rit un peu. Et puis dans le bus j'ai fait comme si cela faisait partie de mes habitudes, banaliser le truc, et qu'il comprenne que j'étais quelqu'un de potentiellement dangeureux pour lui. Comme si de rien n'était j'ai oté ma veste, relevé ma manche, et étalé sur les coupures un peu de ma crème pour les lèvres, parce que la peau tirait ; puis j'ai levé la jambe de mon pantalon, descendu ma chausette multicolore et étalé la crème à nouveau. Mais je crois que Pierre il ne peut pas comprendre cela, il me regarde toujours avec le même amour dans les yeux, et je ne veux pas qu'il m'aime. L'amour c'est une vaste connerie. Je suis "sale" moi, et Pierre c'est un petit garçon qui mérite d'aimer une fille bien, comme lui.  
   J'ai été bête de lui mettre cela sous le nez, d'autant plus qu'il ne sait rien garder pour lui. Déjà le soir quand l'Indiscret m'a téléphoné pour me parler du bouquin dont le prof de philo est l'auteur et qui ne parle exclusivement que de cul qu'il lit en ce moment, il m'a dit que j'étais une sacrée conne de me faire mal exprès. Je lui ai répondu de laisser tomber, de s'occuper de ses affaires, que ce n'était rien du tout, une griffure du chat que j'avais fait passé pour ce que je voulais. A lui je ne dirais jamais ça ne va vraiment pas. Je vois bien déjà qu'à peine si je lui dis que je déprime un peu qu'il change de sujet. Je le comprends bien de faire ça. C'est normal.