Les humeurs changeantes d'Antigone

    Il ne se passe rien, rien du tout… C'est d'un glauque… 

   J'en viendrais presque à souhaiter que les vacances soient finies. Bon, peut-être pas, puisque dans deux mois je dirais exactement le contraire. Mais les vacances ça m'ennuie un peu ; faut dire qu'avec le nombre phénoménal d'amis que j'ai, je finis vite par me retrouver toute seule. Admettons que cette situation est de ma faute, et c'est pourquoi, pour y remédier, je pars la semaine prochaine passer trois semaines en Allemagne, à Cologne. Double efficacité : tenter de remonter mon niveau d'allemand pour l'an prochain, en vue de mon oral d'allemand au bac, et rencontrer de nouvelles personnes. Je suis contente de partir, mais en attendant, mes activités m'endorment. Je fais des listes de trucs à emmener et à acheter, j'ai toujours besoin de faire des listes, j'oublie à chaque fois quelque chose, je suis le genre de personne qui part passer son bac pendant 2 jours en oubliant sa brosse à dent. Sinon, je fais le croque-mort, tous les jours je dois creuser un trou dans le jardin pour enterrer 2 ou 3 poissons morts pendant la nuit. Dans le jardin, y'a un étang avec des poissons rouges, des énormes, qui mesurent jusqu'à 30 cm ; et ils doivent être malades, puisqu'ils crèvent tous les uns après les autres… Et à part ça, je sers d'esclave domestique à mon père. Il ne peut pas bouger, alors je dois toujours aller chercher ça ou ci, ici ou là-bas… Le travail à la maison qu'il fait d'habitude, comme porter les bouteilles à la déchetterie, descendre les poubelles… c'est moi qui me le tape ; d'autre part, mon frère ne sera en vacances que vendredi prochain, raison pour laquelle ma mère m'esclave d'autant plus. C'est assez honnête comme truc, surtout quand on sait que je suis la seule à partir en vacances, à cause de la jambe cassée de mon père.
   Mais il me reste quand même quelques petits plaisirs estivaux que j'aime. Je me promène pieds-nus partout, et les gens me regardent assez bizarrement. Ce matin je suis allée acheter le journal à vélo, sans chaussures, avec presque rien sur le dos. Il était encore tôt, et l'air était frais, bon, l'effort ne me coûtait rien, c'était bien, le seul moment agréable de la journée, avant la chaleur du jour. Plus tard, en allant chercher la pelle, je suis passée sous le cerisier. Il fait des fruits infects, amers, mais là, la cerise que j'ai cueillie m'a semblée être la meilleure nourriture sur terre. Elle était chaude, le soleil lui tapant dessus depuis le matin ; si je devais en décrire le goût, je dirais simplement qu'elle avait le goût du soleil, c'est l'idée que je m'en fais en tous cas.

   Mercredi prochain j'ai un souper à l'école, pour la fin du bac. Ça risque d'être affreux, sauf pour les gens qui aiment la tension, pire, la tension palpable, et l'atmosphère "huis clos". Y'a une idiote qui fout la merde dans la classe en faisant des histoires pour des trucs sans intérêt, ça doit faire 2 mois que ça dure, et y'a aucune raison pour que ça s'arrête l'an prochain, sauf si elle parvient à ses fins, c'est-à-dire faire virer les deux seuls mecs de la classe, sans lesquels se serait vraiment très lourd d'aller en cours. C'est le genre de fille à faire des histoires pour tout et n'importe quoi, à aller se plaindre d'être rejetée après avoir affirmé qu'elle vivait dans une bulle dans laquelle elle n'admettait pas n'importe qui, donc pas nous. L'an prochain, ça va être lourd, surtout si ça dure toute l'année. Les deux derniers mois n'ont pas été faciles, à peine entrés en classe tout le monde était sur les nerfs, et de même pour les profs. Alors si l'an prochain c'est 9 mois comme ça, le gosse qui va en sortir, il va être beau à voir… Travailler dans une atmosphère calme et détendue, je pense que c'est mieux que dans une cage remplie de tigres qui se tirent dans les pattes sans arrêt.
   Je vais pas me laisser gâcher les vacances par la perspective de conneries pareilles, mais ce n'est vraiment pas réjouissant.