Les humeurs changeantes d'Antigone

Demain ça sera fini. Adieu le gros con de prof d'allemand... Adieu le prof d'histoire que je l'aime bien. Et c'était déjà fait hier, après le verre d'après la philo, les bonnes chances de la serveuse du resto du village, même si on y est allés manger à midi. Le prof de maths tout à l'heure, bien solennel, et qu'on se sert la main, et si jamais je peux l'appeler s'il faut encore m'expliquer des trucs. Euh... La récurrence, la géométrie dans l'espace... Mais il y croit, l'homme, il dit que j'ai les capacités de faire une bonne note au bac... et pourtant c'est bien lui qui a du la calculer, ma moyenne en dents de scie, des 4 et des 19,5 ; je vois pas trop le genre d'ajustement possible... Il a appris aujourd'hui que nos notes de l'année ne comptaient pas pour le bac. Pauvre garçon, c'est un bac français, pas une matu fribourgeoise, qu'on passe... Mais il a été content de faire une première volée avec nous deux, il dit. Moi je me souviens surtout des moments où faire cours ensemble était agréable. Quand l'autre au téléphone me tenait debout longtemps, et qu'alors je faisais les maths de 7h15 à 8h assise sur le bord de la fenêtre. Alors parle-nous du bonheur, mon vieux. Dis-nous comment faire jouir une femme sans la toucher. Parle-nous de la guerre. Raconte-nous quand t'es rentré d'Afrique. Laisse-nous rire à imaginer des moines en soutane jouer au foot. Et les pneus de ton vélo, et tes yogourts... Dégotte-nous en d'autres, des profs d'éco alémaniques... C'est un mec bien not' prof de maths, et il a tout compris à la vie, je crois. Un phénomène. Je vais le regretter vraiment, lui. Et aussi le prof de philo, mais on le voit encore un peu la semaine prochaine, une dissert' à me rendre, où je parle des biceps de Sisyphe, et de la dissert' que je suis en train d'écrire. Ma dissert' qui part en couilles après deux paragraphes. Et adieu 'tit Pierre, aussi. Petit De14 Ans. Si j'ose. Si je le vois. Sinon ça sera Poste. Lettre, comme tous mes adieux qui comptent. Mais ça sera pas long. Juste lui dire que je l'aime bien. Que je regrette les erreurs que j'ai pu faire qui lui ont fait mal. Et tout et tout et tout... J'ai envie de lui dire toute la vérité. Du début à la fin. Mais je ne le ferais sûrement pas. Les heures d'économie de l'an dernier me manqueront longtemps. Et les heures de maths de cette année. Et, et, et... Bordel, c'était bien quand même, le lycée. Mais, mais... J'ai adoré l'an dernier. Je voudrais recommencer cette année. Sans avoir connu de Lui, sans dépression. Et en m'y prennant mieux dans mes révisions, parce que là, c'est la panique totale. Mais j'm'en fiche, j'aime les demi-drames et les situations de fausse crise.