Les humeurs changeantes d'Antigone

La fin de la semaine a été difficile.
J'aurais voulu être capable de cela. Avoir le courage, quand j'en ai ressenti le besoin, parce que je me sentais vraiment mal, de sortir de la classe, du bâtiment, et d'aller m'adosser au soleil, à un mur bien exposé. M'y recroqueviller, les genoux ramenés contre la poitrine, les bras autour des jambes. Comme un petit tas, échoué là par hasard. Pleurer s'il avait fallu, laisser le soleil me réchauffer, la chaleur irradier jusqu'à mon cœur, et même si cela devait faire mal le laisser fondre, puisqu'il est en glace. Au lieu de cela j'ai ravalé mes larmes, d'autant plus que je ne savais ce qui les faisait naître. J'aurais voulu laisser le froid m'envahir, claquer des dents sans retenue, même si la chaleur était étouffante. Me laisser aller à ma fragilité, laisser le vent me faire flancher. Devenir toute blanche, et tomber. Il m'aurait fallu la caresse du soleil. Il m'aurait fallu sortir en pleurant du cours d'allemand, parce que cette classe de "je peux aller voir comment va unetelle qui pleure dans la cours ?" devient limite pathétique. (J'ai les solutions à tout : pour pas se faire plaquer il ne faut pas avoir de copain ; pour ne pas avoir de mauvaises notes faut un minimum de travail.) J'aurais voulu ressentir la même allégresse que les autres à l'annonce de notre note de TPE, parce que ça m'aurait placée peut-être au-dessus de mes idées noires.

Il me faudrait un ami qui me rende tout ce que je peux faire pour une certaine personne qui a honte de m'apprécier, qui n'assume pas le désir qu'il peut avoir pour ma satané personne physique, qui m'humilie en public en me posant des questions sur ma trépidante vie sexuelle, ou qui la raconte à nos profs, qui me rabaisse en permanence, que j'écoute quand il va mal, que je conseille au maximum de mes capacités, mais qui serait incapable de me rendre la pareille. Il faudrait juste que je sorte des relations à sens unique dans lesquelles je m'implique trop, et qui me font souffrir.

J'en ai marre, j'ai froid, et j'ai pas les bras assez longs pour m'y serrer moi-même.