Les humeurs changeantes d'Antigone

   Me voilà ici... J'y suis coincée à baby-sitter, c'est l'anniversaire d'une copine, j'aurais voulu sortir... Mais bon, voilà... Je vais en profiter pour raconter mes dernières aventures au pays des cinglés (mon "lycée"). Il ne se passe rien, mais ça a toujours été comme ça. Comme me disait le prof de maths, cet endroit me manquera quand j'en serais enfin partie. Mais pas pour l'instant. Je peux le brûler aussi longtemps que j'en ai envie. A ce propos d'ailleurs, hier nous avons reçu la visite de tous les pompiers du village. Bah oui, un petit con s'est amusé à appuyer sur le bouton de l'alarme, alors les pompiers n'ont fait ni une ni deux, ils ont quitté leurs fermes, et, à moitié vêtus, leurs casques sous le bras, les lacets défaits, sont venus éteindre le feu. J'attendais tranquillement le bus quand ils ont tous surgi, ils n'y comprenaient rien, les pauvres, on les regardait en rigolant, puis ils ont fait évacuer le bâtiment... Il ne restait que les Term L en cours de lettres, qui ont tous éclaté de rire quand les pompiers leur ont demandé de sortir dans le calme, s'il vous plaît. (Je me demande si les pompiers ont mis leurs chaussons avant de monter l'escalier... Ouais, je sais, je suis pas drôle.)
   Ils devraient être contents, les pompiers, il ne se passe jamais rien dans ce village, et c'était sans doute leur seule sortie de l'année. Ils seront payés pour le déplacement, et c'est pas mal comme indemnité, je plains les parents du gosse qui a fait ça... Faudra que j'aille regarder dans le journal si on a un fait divers. 
   Les bonnes sœurs qui sont arrivées juste avant les pompiers étaient persuadées que quelqu'un avait fumé dans la classe, puisque le signal de l'alarme venait de notre couloir, complètement excitées elles ont commencé à renverser les poubelles...

   Alors voilà, je sais pas trop quoi dire. Les choses se passent le plus normalement du monde au pays des fous. Les choses se sont régulées, la routine commence. Déjà, par habitude, ou manque de fantaisie, en classe, tout le monde s'assied à la même place. Le prof de philo a déjà renversé deux fois la gamelle du chien guide de Naelia, l'animal a offert à ses spectateurs une démonstration de "je dégueule dans la cantine"... 
   On bosse comme des tarés, surtout en maths, on a déjà expédié 2 chapitres obligatoire, et en spécialité, on fait le deuxième sur trois. Enfin, c'est une façon curieuse de travailler, on étudie la théorie très vite, on fait quelques exos, et à la fin le prof nous photocopie les corrigés des exos de tout le chapitre, et c'est fini. J'y comprends rien, je bosse moi-même le soir. Sinon j'en peux plus de la philo : 8 heures par semaine c'est vraiment trop... Mais ça c'est l'organisation d'ici. ça fait un mois qu'on a recommencé les cours, et pourtant on a pas encore tout les bouquins. Il me manque celui de philo et celui d'SES (on en a reçu hier, mais manque de pot ce n'était pas celui que la prof voulait... Ils sont incapables de faire leur boulot correctement, les êtres humains de ce pays.
   Les profs discutent déjà sur les élèves... J'ose pas imaginer les scènes dans la salle des profs. Selon le prof de maths, en ce qui me concerne on ne dit que du bien (c'est pas donné à tout le monde d'être un petit modèle...). Ce taré (l'homme prof de maths, étudiant de presque 40 ans en théologie) est persuadé que je suis un génie des maths... mon seul talent étant celui-ci : "Si vous n'arrivez pas à faire l'exercice M'sieur, c'est pasque vous n'avez pas lu la théorie sur les probabilités totales..." Il est toujours dans son monde, l'homme, il pense pas trop maths. Mais sinon il est génial, c'est un peu mon idéal masculin (Nan je suis pas en train d'en tomber amoureuse (l'amour je connais pas)).

   Je dois aller nourrir l'enfant et son Natel (téléphone portable… Ne me demandez pas ce qu'il fait avec, à 12 ans je me le demande bien), j'en reste là avec mes histoires sans intérêt pour tout autre que moi…