Les humeurs changeantes d'Antigone

4 h 30. Assise dans le jardin, cahier sur les genoux, couverture sur les épaules, stylo main gauche, bougie main droite. Ecrit. Je ne veux pas susciter polémique, alors je dirais simplement : Antigone, 18 ans et 9 mois, a eu son premier rapport sexuel. A eu son premier rapport sexuel. A eu son premier rapport sexuel. Le répéter et ainsi l'admettre. Simplement : a baisé pour la première fois, puis s'en est allée au jardin pleurer sa virginité perdue tandis que naissait le jour et s'éveillaient les oiseaux. Fuck-friends, voilà ce que nous avons été. A l'analyse ce fut bien bizarre. Pas de dégoût (ou pas encore), pas de haine. De la honte pour lui, de lui, moi je ne sais pas. Il a dit que quand même c'était différent. On en a conclu que ce n'était finalement qu'un acte d'amitié. Je voulais que personne ne le sache. Mais on a été vus allant vers chez moi, puis conduits. Honte. Après, pour qu'il puisse retourner en ville je lui ai fait un plan. Un peu labyrinthèsque cette histoire. Ce n'est pas tellement triste, C'est juste rien. A eu son premier rapport sexuel. N'arrive même pas à le réaliser. Donc ce n'est finalement pas un moment si important. S'est précipitée sous la douche après l'avoir mis à la porte. Pas que je me sois sentie sale, mais il me fallait retirer de moi son odeur. Je ne dirais pas "c'était bien" ou "c'était nul". Juste je n'ai pas jouis. Je ne l'espérais même pas, ni ne le souhaitais. "Je vois bien que ça te gêne de prendre du plaisir avec quelqu'un que tu détestes…". Je n'ai pas eu mal non plus. En se rhabillant il se dénigrait. Mais qui pourrait nous forcer à nous aimer ?

J'ai entendu passer le premier train. Je souhaiterais que le jour n'en finisse plus de se lever. Qu'on en reste à cette heure-là.

Je ne regrette rien ! D'avoir voulu retirer de moi son odeur, alors que j'imagine la jeune fille tout juste dépucelée se blottir contre, et humer son n'amoureux.

Et tout est si bizarre, finalement.

Allez, allez… ma terminale n'a été qu'une longue descente aux enfers. Puis-je encore aller plus bas ?

Plus besoin de ma bougie pour écrire droit sur les lignes. Mais besoin de sa chaleur au creux de ma main qui tient le photophore, et sur mon visage penché sur le cahier. Je m'étais toujours demandé à quelle heure nous étaient livrés les journaux. A 5 heures dans la boîte aux lettres. C'est un boulot pour moi. Finalement, ça n'a pas duré bien longtemps.

Je le hais. Tantôt je l'adore. Mais je ne l'aime pas.

Ce qui est bizarre, c'est que je n'ai pas eu l'impression d'être une pute. Alors qu'il est parti en me disant qu'il se sentait comme un gigolo.

Je vais dormir. Il fait jour. Je ne souhaite pas les yeux cernés "nuit de folie…". Car nous avons été bien sages quand même. Je voudrais pouvoir parler de moi comme si c'était vraiment moi.

Et si je faisais le ménage dans ma vie ?