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Les humeurs changeantes d'Antigone


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L'école maternellle
L'autre jour, comme j'avais été malade et que justement on avait profité de ce jour pour nous remettre nos convocations, il a fallu que j'aille chercher la mienne dans le bureau de la directrice, avec laquelle j'étais en meilleur terme depuis que j'avais fait un peu semblant de m'excuser de comportements jugés insolents — "Mais vous savez, avec le stress du bac, je ne sais plus peser mes mots...". Elle me donne ma convoc', on échange deux ou trois banalités, et alors que je signe la feuille d'émargement (mot qui n'a pas fini de me sembler bizarre, mais qu'on a rarement l'occasion d'écrire), elle entre enfin dans le vif du sujet : "J'ai l'impression qu'XXX est un peu rosse avec toi, ces temps."
— Tiens tiens tiens, me dis-je, la valà qui prend la défense des "opprimés".
S'en suit une longue diatribe sur mes compétences scolaires soit disant suppérieures à celles d'XXX, notament à cause de mon "talent" pour écrire, et de la rancoeur qu'elle peut susciter, et je me mets à penser aux conséquences de l'inégale répartition des fruits de la croissance... Et puis elle continue sur l'émotivité de mon camarade, et déjà, je sais comment ça va finir, alors je prends les devants, histoire d'aller plus vite, et de lui montrer que je la connais un peu :
— Mais bon, il est Poisson.
Comme elle, comme le prof de maths, comme celui de philo, et comme Chessex, si je me souviens bien. Il faut lui montrer que j'ai des grandes connaissances en astrologie et la dénigrer un peu :
— A quelques jours près il aurait eu le tempérament beaucoup plus supportable d'un bélier... Et on s'implique pour lui faire plaisir, et lui montrer que j'ai autre chose que la "froideur argumentative", commentaire avec lequel elle estampillait tous mes devoir d'écriture l'an dernier.
— ... J'ai moi-même aimé un Bélier (et c'est plus fort que moi, je m'imagine en train d'embrasser un mouton), enfin, je vous passe les détails, mais c'était moins éprouvant que d'avoir les sentiments que j'éprouvais envers notre poisson quand j'avais 16 ans... Enfin, excusez-moi, j'avais oublié que vous étiez aussi née en mars... (celle qui tient à un avis "favorable" sur son livret scolaire).
— Mais il ne faut pas pour autant te laisser maltraiter...
— Oh non non, pas de soucis, je sais le remettre à sa place si besoin est ; et si vous nous connaissiez mieux (enfonce le couteau dans la plaie, vu qu'elle aimerait pouvoir connaître sa trentaine de lycéeens) vous sauriez que derrière les conflits nous sommes amis. (Je n'y croyais pas moi-même mais c'est pas grave. Et je ne pouvais pas lui dire qu'on passe toutes nos heures d'étude à "jouer au docteur", qu'il connaît toutes mes petites culottes... Et que l'agressivité l'un envers l'autre reste le seul moyen pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité entre nous, ni qu'il est encore plus comme ça pour se protéger et se montrer fort après ses larmes de l'autre fois.)
— Et en fait, qui vous a dit qu'il était agressif avec moi ?
— J'ai mes informateurs...
Puis je suis partie. J'en reparlais le lendemain avec XXX, qui comme moi déduisit vite que la balance n'était autre que le prof de maths ; soupçon confirmé, grand délateur devant l'Eternel, le théologien avoua. Depuis le début de l'année il s'efforce tant bien que mal d'établir un minimum de courtoisie dans les rapports entre ses deux élèves, sans trop de succès, et, tout persuadé qu'il est que je me trouverais un n'amoureux de 2 mètres de haut, hyper fort et tout et tout... il prévient XXX de se méfier de ce jour-là. Mais ses prédictions ne se réalisent pas, alors il prend lui même le rôle du défenseur de la 'tite Clem. Maintenant en cours de maths on fait semblant d'être supra-potes. On fait les gosses, et on se moque du prof complètement parano, parce qu'entre nous, c'est l'amour fou, m'sieur.
Oui, c'est vraiment l'école maternelle.
Ecrit par Antigone, à 22:35 dans la rubrique "Du rien sur un tas de vide".



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