Les humeurs changeantes d'Antigone

Petit voyage vers Genève et la France, hier, dans ce petit bled un peu moche où nous passons notre bac ; c'est presque comme chez nous maintenant, on s'y retrouve, parfois mieux dans la ville que dans le lycée. Vous la verriez, notre école au milieu de la campagne… La ferme juste à côté, les moutons, les vaches et les canards, le bâtiment attenant où vivent trois bonnes sœurs. Puis en parallèle, ce grand lycée moderne, tout ce monde autour. Je me demande toujours comment j'aurais été si j'avais pu sortir de ces écoles minuscules. Peut-être pire, peut-être la même, peut-être mieux, moins timide, moins renfermée, plus sûre de moi… Je ne saurais jamais.
La présentation du TPE a été lamentable. Pas que nous n'étions pas prêts, au contraire ! On avait tout prévu : des transparents, une interview que nous avions réalisée, un ordre de passage bien établi, une organisation parfaite. Mais voilà qu'évidemment, parce que nous devons être maudits, la version de la production écrite que notre directrice avait envoyé en France ne comptait que 14 pages sur 22. Alors bien sûr, les pauvres femmes ne comprenaient rien de ce dont nous leur parlions. Tout ce qui devait faire un bon effet, comme l'interview, est complètement tombé à côté. Elles ont dû croire qu'on avait fini le boulot juste cette semaine… Le travail était bon, j'en reste persuadée, et à cause d'une simple erreur, ce truc dans lequel on s'est quand même pas mal investis risque de ne rien rapporter. On était 3 groupes à partir passer ce TPE, le retour était assez maussade, seul un groupe était d'humeur à sourire.
Les paysages entre Genève et Lausanne étaient magnifiques au retour. Le coucher du soleil teintait de rose les montagnes, découpées dans un ciel bleu parsemé de légères traînées nuageuses, qui se reflétaient dans le lac. Sur l'eau si lisse ces reflets avaient une profondeur paradoxale. Le lac, un peu pudique, tentait de se protéger des regards par une légère brume, vaporeuse. C'était le genre de paysage qu'il doit faire bon admirer main dans la main avec celui qu'on aime, pour peu qu'il sache y trouver la même sérénité. Oui, je fais dans le neu-neu, mais c'est le printemps, et les petits couples ne vont pas tarder à surgir de tous côtés, alors je me mets dans le bon état d'esprit, histoire de ne pas commencer trop tôt à être cynique à ce sujet.
J'ai passé la théorie du permis de conduire aujourd'hui ; bon prétexte pour ne pas aller en cours. Je n'avais encore vraiment pas appris, alors j'ai passé la matinée à faire des tests sur l'ordinateur, sans en réussir aucun, et à chercher désespérément mon attestation de suivi du cours de sauveteurs, dont j'avais impérativement besoin pour passer l'examen. J'y suis allée, on m'a assigné un ordi, j'ai répondu rapidement à mes 50 questions, puis, dubitativement j'ai cliqué sur "terminé" et suis allée voir l'expert qui m'a dit que j'avais réussi, avec 14 erreurs, une de plus et c'était raté. Je suis maintenant titulaire de ceci , document qui me permet, accompagnée bien sûr, d'aller écraser les gens dans la rue. Quand je serais grande, j'aurais pas de voiture de toutes façons, parce que sinon je sortirais des discours un peu incohérents, quand je dis que l'écologie me préoccupe. Je prendrais le train et le bus, parce que j'aime ça d'abord.
Y'a un truc qui m'a étonnée, avec le TPE maintenant que j'y repense, c'est qu'ils n'ont pas contrôlé nos identités. Alors on aurait pu envoyer n'importe qui à notre place, ou se faire passer les uns pour les autres. C'est bizarre la France comme pays.