Les humeurs changeantes d'Antigone

   Je fais quoi l'an prochain ?

            - Si je n'ai pas 12 au bac la solution est simple : je trouve une corde et je me pends avec.

            - Si j'ai 12 la solution est tellement compliquée que je n'aurais aussi qu'à me pendre.

   Je suis en proie aux doutes les plus affreux, et même, j'ai peur.

   Rien que d'y penser j'ai envie de pleurer. Je déteste avoir peur pour des raisons valables.

   J'ai peur de rater ma vie. Peur de passer à côté de ce qui ferait qu'enfin je serais moi-même, satisfaite de ce que je fais, capable de le faire, et me reconnaissant dans ces compétences…

   Je voudrais ne pas être seule face à ces doutes. Je voudrais qu'il y ait quelqu'un qui me connaisse et qui me dise : "C'est ça que tu dois faire !", je voudrais pouvoir faire un choix et savoir qu'il y aura quelqu'un pour m'y conforter.

   Après les vacances il y a une journée d'information à l'université. On doit choit choisir quelle faculté on veut aller voir et s'inscrire. Pour l'instant je suis inscrite en lettres et en économie, et je ne sais pas du tout qu'aller voir. C'est trop compliqué pour moi ces histoires d'université et on nous explique jamais rien.

   Perdue.

   Je voudrais bien être au courant de ces choses-là.

   L'économie ça me fait bien chier, je déteste l'économie ! (Mais alors pourquoi tu fais ES ? Ben parce que j'aurais pas réussi en S, parce que dans ce pays même si on paie 10 000 € pour une année de scolarité ce n'est pas pour autant qu'on est bien préparés. Ces 10 000 € à quoi servent-ils alors ? A payer les Audi des directrices, voyons… à quoi d'autre ?
   Des profs qui ne connaissent rien au système français, une directrice bornée et obtuse, une information minimale… Et ce n'est pas un euphémisme de dire que j'ai autant envie d'y retourner après les vacances que de me tirer une balle dans le crane. En plus j'ai l'impression que ça ne servira plus à rien :

   Dans le livre d'économie y'a 17 chapitres et on en a fait que 5, aussi on n'a jamais rendu le moindre devoir, et depuis le début de l'année je n'ai reçu pour seule note qu'un 11.
   En maths on avance bien, mais je ne pense pas qu'on apprenne correctement. En fait ça me semble trop facile pour être possible. J'ai eu 13,5 à la dernière compo, mais j'avais pris mon bouquin avec moi.

   En histoire-géo ça devrait aller…

   Philo pas de problème normalement, même si j'ai pas eu de cours depuis un mois.

   Allemand et Anglais me foutent les boules. Le prof d'allemand n'a rien compris à rien et persiste à ne pas faire de différence entre ceux qui passent l'allemand à l'oral et ceux qui l'ont à l'écrit. La prof d'Anglais est trop conne et on fout rien en cours.

   Et la gym sera une catastrophe.

   Je sais très bien qu'à mon âge on est capable de bosser soi-même et de s'auto-discipliner, et ça je sais le faire, mais je trouve juste que c'est une belle arnaque de devoir payer si cher pour un service minimum.)

   Dans l'école où je suis maintenant ils ne font que L et ES, là où j'étais avant y'avait les trois mais fallait vraiment s'accrocher pour y arriver.

   N'avoir fait que ES ça me bouche pas mal de portes quand même, et c'est maintenant que je m'aperçois que l'informatique et les maths m'intéressent bien plus que l'économie ou le journalisme.

   Bref je suis perdue au plein milieu de l'océan arctique, je nage, et vu que dans l'eau je m'apparente plus à un fer à repasser qu'à une sardine je risque fortement de me noyer.

   Un volontaire pour m'écouter me lamenter sur ma vie en pleurant pendant 2 heures ? Si quelqu'un est partant qu'il se déclare, muni d'anti-dépresseurs pour son propre usage car je risque d'être vraiment déprimante. 

   Je suis perdue, j'ai peur, je sais pas quoi faire et de toute façon je me sens impuissante. 

Putain de bordel de merde…

   Il était marrant le curé hier à l'école : "Avancez sur la route de Dieu mes enfants !" Je ne serais pas trop exigeante, et je ne réclamerais pas qu'on m'indique le chemin de Dieu, mais juste un tout petit chemin, tant pis si ce n'est qu'un sentier de terre battue qu'on ne devine qu'à peine… Juste une voie ! (Quoique ça serait simple de se trouver un couvent et d'y rester pour toujours, sans se poser de question et mener pour toujours une simple existence pieuse et reculée…)

   Et puis comme j'ai rien de mieux à faire je vais expliquer au moins ici pourquoi je m'enfuis toujours dès le souper fini : Je ne veux/peux pas parler avec mes parents de mon avenir parce que je suis extrêmement vulnérable sur ce sujet et que des larmes coulent rien qu'en disant : "Je sais pas ce que je veux/peux faire l'an prochain." Pour rien au monde je ne voudrais pleurer devant eux pour une raison aussi stupide.

   Avec un peu de chance tout ce vide autour de moi ne me happera pas pendant mon sommeil (A moins que la chance soit le contraire ?).

(Encore une de ces soirées à la con où j'ai perdu mon temps à chercher longuement (et sans le moindre succès — j'aurais dû croire la prof d'anglais (alias prof "principale") qui s'y était essayée avant moi) une liste avec le genre de lectures qu'il faut présenter à l'oral de LV2  allemand pas renforcé… Et puis cet ordi qu'il a fallu redémarrer 300 fois parce qu'il fait le difficile avec les pdf… saletés de textes officiels !)