Les humeurs changeantes d'Antigone

    Elles me prenaient pour quoi, les filles dans le bus cet après-midi en rentrant de l'école ? Euh… pour une salope j'imagine, si j'en crois leur façon de me regarder. C'est quand même curieux ça, soit je choque, soit je suis invisible. Faudrait que je trouve le juste milieu.

   Mais, et si je vous dit qu'à quelque part j'aime choquer ("à quelque part", c'est juste parce que le prof de philo me manque, et qu'il dit ça) ? Ça m'amusait de voir ces deux filles me regarder de travers en trouvant que mon comportement était très proche de celui d'une fille de petite vertu — elles se disaient la même chose la semaine dernière, d'après moi.

   Aucune pudeur. Aucune retenue. Et je ne peux pas me retenir d'aimer ça. Ou plutôt… je ne peux pas empêcher mon corps d'apprécier être désiré, ni même le soumettre au diktat de ma conscience.
   Il faudrait quand même que je sois capable de refuser d'être caressée et insultée en même temps, surtout que cela me déplaît vraiment. Mais voilà, le plaisir que me procure une main autre que mienne sur mon corps est tel qu'il efface le désagrément de l'insulte.

   Ce n'est qu'une question de nuances entre j'ai envie et je veux. J'ai envie, mais je ne veux pas. Enfin, envie… Ce n'est qu'une envie fugace qui vient juste parce que quand on nous donne quelque chose on en demande toujours plus. En résumé, je me soumets avec envie à des caresses que je ne veux pas recevoir, et lui me donne avec envie des caresses qu'il ne veux pas m'offrir.

   A première vue, il devrait toujours y avoir adéquation entre envie et volonté. Et finalement je me laisse toucher par celui là parce que j'ai envie de caresses, mais je voudrais qu'elles ne me viennent pas de lui, et lui me caresse en imaginant qu'il en touche une autre.