Les humeurs changeantes d'Antigone

   Pour que Noël ait du bon, peut-être qu'il faudrait simplement jouer le jeu à fond.

   J'avais commencé à écrire quelque chose dont c'était la première phrase pendant le cours d'éco, mais des regards inquisiteurs et désapprobateurs de la part de L'Indiscret m'en ont découragé, et j'ai préféré donner mon point de vue sur les inégalités de revenus entre hommes et femmes, plutôt que de laisser ce fichu macho dire que le chômage était causé avant tout par le travail des femmes, et dire que les femmes étaient moins productives que les hommes, alors que monsieur perd son temps pendant les cours à griffonner n'importe où des trucs du genre : Petit De13 Ans + Antigone = Amour pour toujours… Finalement j'ai perdu la feuille où j'écrivais.
   De toutes façons, je perds toujours tout. Des paris en général, mon stylo que je retrouve toujours  et mon parapluie hier matin, après m'être "évanouie" dans le bus. Je ne saurais pas trop dire ce qui m'est arrivé, mais je me souviens avoir regardé par la fenêtre à un moment avant d'entrer en ville, puis plus rien jusqu'à l'arrêt à la gare ; et encore, il me fallut un moment pour réaliser où j'étais. Comme une égarée tombée de la lune j'ai bousculé tout le monde et je suis descendue, et encore là il me fallut un temps pour reprendre conscience complètement.
   Si c'est comme ça de mourir je n'ai plus peur.

   Je vais écrire la fin.

   Pour que Noël ait du bon, peut-être qu'il faudrait simplement jouer le jeu à fond. Il faudrait que nous puissions tous redevenir des enfants- Il faudrait que nous ayons tous les yeux brillants et rond comme des billes devant les décorations sur, et les cadeaux sous le sapin… Il faudrait que la neige nous excite tous. Il faudrait que nous puissions tous rire devant les bêtises du chat qui se cache sous le sapin pour taper dans son reflet sur les boules de Noël, les fait tomber et rouler sur le tapis…

   Et si on pouvait remonter loin dans la mysticité disparue ! Il faudrait encore croire, vraiment, et avoir confiance dans le curé, qui, demain, dans la chapelle des sœurs qui habitent dans le bâtiment de l'école — une jolie chapelle d'ailleurs — nous dira qu'un sauveur naîtra bientôt.

   Ou alors… s'il nous disait que nous même, en ces jours de Noël renaissions et qu'à notre manière nous pouvons encore sauver quelque chose…

   Enfin…
   Noël ça ne devrait jamais rien n'être d'autre que le souvenir de la mélodie d'une chanson que nous aurions chanté étant enfants, et il faudrait encore pourvoir faire résonner notre voix dans notre cœur alors que nous entonnions le refrain avec une joie éclatante dans nos yeux, croyant en cet instant que ce bonheur serait immuable.

   Et l'hiver… toujours comme aujourd'hui, merci.

   Sortir dans la nuit, sous la neige en manquant de se tuer sur les marches devant la maison, se rattraper au mur du garage en riant toute seule bien bêtement… Lever les yeux au ciel et avoir la tête qui tourne, perdue au milieu des flocons cotonneux. Au loin on entend le raclement de la lame du chasse-neige sur le trottoir, puis au coin d'une "rue" on se fait éblouir par son gyrophare…
   Les bruits semblent atténués, noyés dans ce coton, et on a un grand sourire sur le visage en voyant toutes les lumières dans les buissons autour des maisons et dans les maisons. C'est beau quand même, les scènes lumineuses dans la nuit l'hiver.

   Peut-être que la beauté de Noël, c'est les stéréotypes…

   (Et moi qui était en train de me dire que le vrai bonheur était atypique.)

— Tu sais, t'es pas belle au sens propre, mais en fait tu rayonnes.

C'est Petit De13 Ans qui m'a dit ça.
Assez joli.