Les humeurs changeantes d'Antigone

   J'ai envie de me tuer les yeux toute la nuit sur ce clavier, dont je distingue à peine les touches éclairées par deux seules et simples bougies. Envie de sortir toutes ces saletés de mon esprit, et dormir tranquille, n'y pensant plus. Envie de pleurer, aussi, et d'avoir à nouveau 6 ans, d'être excitée à l'idée de Noël, et vouloir plein de choses, et encore envie d'avoir envie de faire plaisir aux gens, d'avoir envie d'offrir quelque chose à tout le monde, à ceux que j'aime sans qu'ils le sachent vraiment, et de voir un sourire sur leur visage, et que celui-ci me fasse sourire à mon tour, envie d'un peu de bonheur, de joie de vivre, simplement.
   Oui, je ne vais pas bien ce soir. J'ai mal, un peu, quelque part d'indéterminé, et ça hurle en moi. Je m'en veux de ne pas aller bien, de n'attendre rien, de ne rien vouloir, d'avoir juste envie de dormir longtemps, et de me réveiller en étant simplement bien. Juste un peu bien. Aimer Noël au lieu de le subir parce que je ne sais pas quoi répondre à la question : "Et qu'est-ce qui te ferais plaisir comme cadeau ?" Je ne veux rien que l'on puisse acheter. Je voudrais juste pouvoir recommencer ma vie.

   Ça me fait mal, très mal. Et ça veut pas sortir. Pourquoi vois-je le monde comme ça ? Pourquoi Noël n'est-il pour quoi que la fête de l'hypocrisie, du commerce, des faux sourires, de la désillusion et des faux-espoirs ?

   C'est comme ça depuis ce soir. Quand ma mère a voulu que je l'aide à faire une liste des cadeaux qu'on devait acheter… Aucun cadeau qu'on ne fera avec l'envie profonde de faire plaisir. Parce qu'on a pas envie de faire plaisir, simplement. Pourquoi on voudrait faire plaisir à des gens qu'on en voit qu'une fois par an et qu'on ne connais pas, en fait ?

   Y'a tout qu'est noir aujourd'hui, y'a tout qu'est gris.

   J'aime pas Noël, parce que oui, bien sûr, y'aura du bonheur, mais il sera éphémère, et le lendemain tout sera à nouveau comme avant. Et je me souviendrais des Noël de mon enfance, de l'excitation à l'ouverture des paquets, de l'empressement, de ce moment qu'on attendait déjà un mois à l'avance, du calendrier de l'Avent qui nous faisait compter les jours avant un bonheur dont nous ne doutions pas… L'important dans l'enfance, c'est qu'on ne relativise pas encore tout, que tout est important, même un calendrier de l'Avent, et un sapin, puis des lumières…

   Pourquoi tout ne dure pas toujours ?

[Je me sens comme une vraie gosse. Y'a tout qu'est moche, y'a rien qu'est bien, j'arrive pas un voir un seul truc positif, je comprends pas pourquoi tout ces trucs me font mal. Pourquoi je n'y suis pas indifférente, pourquoi, comme les autres, je ne parviens pas à me sentir bien malgré cela ? Pourquoi il faut que ça me fasse tout ça alors que les autres arrivent à le surpasser.
Je voudrais quelqu'un qui me prenne dans ses bras et qui me serre très fort, et qui me dise que le monde c'est ça, vraiment, que je suis pas folle, mais que je ne dois pas me faire de soucis pour ça, que c'est pas de ma faute, et que si les gens sont heureux comme ça je dois pas leur prendre leur plaisir, et patati, et patata…]

   Trop fatiguée, puis je dois me lever demain pour aller acheter ces foutus cadeaux de Noël (manque de spiritualité et de vérité, cette fête… manque de grandeur, manque d'ampleur, je voudrais avoir un geste qui changera la face du monde).