Les humeurs changeantes d'Antigone

   Malade et insomniaque… C'est terrible. Courageuse aussi quand même (sans doute pour cela que je suis encore plus mal). Je suis allée en cours aujourd'hui, en regrettant l'époque de l'école primaire, quand, au moindre rhume je passais la journée (ou la semaine…) à traîner à la maison, entre la télé et le lit de Môman qui m'apportait de la citronnade et me préparait mon aspegic avec un peu de sucre, tout comme j'aimais… Maintenant j'aurais plus jamais droit à ça. Y'aura toujours ma conscience pour me tirer du lit et m'obliger à sortir. Affronter le regard des autres, pas très indulgents fasse à ma tête de morte vivante… (dixit l'Indiscret avec qui j'ai été très désagréable (rhume encore pire que menstruations de ce point là)). Mais, et cela est finalement assez flatteur, mon jeune admirateur me trouvait encore regardable. Dans le bus, comme tous les vendredis, je dormais dans mon coin, appuyée contre la porte arrière. Et pendant les 20 minutes que nous passons dans le truc, à chaque fois que j'entrouvrais les yeux, c'était sur moi qu'étaient posés ceux du jeune homme. Et pourtant ce serait un euphémisme que de dire que j'étais laide. Et puis la crainte de la contagion n'eut aucun effet sur lui : les deux premières heures du vendredi matin je n'ai pas de cours, mais je viens tôt parce que c'est plus simple, et c'est de même pour le petit ;  par habitude je vais bosser dans ma classe. Il m'y a rejoint, et bien que la classe compte une trentaine de tables, c'est à 10 cm du mien qu'il vint poser son postérieur. Faudra pas qu'il s'étonne quand il aura chopé cette connerie de demi-grippe.
   Cette histoire fut l'occasion pour ma sœur de ressortir sa boîte à untel. Elle est un peu bizarre, quand une histoire avec un mec est terminée, elle garde tout ce qu'elle tient de lui dans une boîte différente pour chacun… Là il s'agissait d'un mec de 3 ans de moins qu'elle qui était tombé amoureux d'elle il y a 2 ans. Il était adorable, moi j'en tombais doucement amoureuse de ce garçon, il était adorable ce petit breton, débarqué en Suisse pour un an, avec de très beaux yeux… J'ai eu avec lui une des conversations qui m'ont le plus apporté. Ça a duré 4 heures, dans un bus, on rentrait de Bretagne, c'était la nuit, on pouvait pas parler parce que tout le monde dormait, alors le gros de la discussion s'est déroulé par écrit, et je l'ai toujours. Bref, c'était un gentil petit breton, dommage qu'il soit tombé amoureux de ma sœur plutôt que de moi. J'aimerais bien mettre la main sur son adresse e-mail, à celui là, et lui dire je sais pas trop quoi. Je sais où l'obtenir, le pire, cette adresse. Mais je le ferais jamais.
   J'aime bien cet automne. Il fait gelant, j'ère dans le monde toute de noir vêtue, sauf mes gants, mon écharpe et mes chaussettes à rayures multicolores ; mon manteau boutonné jusqu'en haut, la capuche rabattue sur mes oreilles, mon sac en bandoulière, et le regard bien droit… J'essaie de ressembler à ce que je ne suis pas : quelqu'un de décidé et volontaire qui prend sa vie bien en mains…